Et nous
voilà de retour au tribunal !
Vu la météo pluvieuse de fin juillet, on s'est dit qu'on y serait
mieux qu'à la plage…
La séance
a commencé par le visionnage d'une cassette vidéo. Si si, une cassette,
pas un dvd. Un pur produit australien, rempli d'accidents de la route
tous plus spectaculaires et sanglants les uns que les autres.
Puis une sympathique addictologue nous a débité son speech sur les
méfaits de l'abus d'alcool, parce que l'alcool, à petites doses, c'est
fun !
En résumé, j'ai retenu qu'il ne faut pas dépasser 4 doses-bar par
jour, et par semaine 14 doses-bar pour les femmes, et 21 doses-bar
pour les hommes. Non, on ne cumule pas ce qu'on a pas consommé la
semaine pour le week-end, on n'est pas chez weigth-watchers…
Pendant que la dame essayait de parler, un type plus fait que fait
(elle nous a raconté après l'avoir vu descendre de voiture, coté passager,
avec son verre de bière, recyclable, le verre) ne cessait de l'interrompre
afin de lui poser des questions essentielles style : " si c'est dangereux
comme ça se fait que ça soit en vente libre ? "
Un autre chiffre qui fait froid dans le dos : le jour sur 100 voitures,
vous croisez 3 conducteurs sous emprise alcoolique, la nuit ça monte
à 30…
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Plusieurs
affaire ont été renvoyées, puis on a commencé par un jeune homme de
24 ans dont la voiture c'était déportée à la sortie d'un virage sur
route humide et qui s'était encastré dans une autre voiture. L'autre
homme était là aussi, s'appuyant sur une canne. Depuis un an, entre
les séjours à l'hôpital et ceux en maison de repos, il n'avait quasiment
pas vu son bébé grandir (elle avait 2 mois lors de l'accident). De
plus il ne pouvait plus exercer son métier de boucher, qui nécessite
de porter du poids et de travailler debout…
Le fautif avait également des difficultés de motricité, et pour le
moment ne pouvait pas conduire de fourgon, utile dans son métier d'agriculteur.
Le président, patient, a commencé à demandé au jeune ce qui s'était
passé, et quelles étaient les conséquences de l'accident. Le jeune
parlait de lui, de ses problèmes, du peu qu'il se rappelait de l'accident…
mais jamais il n'évoquait l'autre victime !!!
Quand au bout d'un certain nombre de " mais quelles ont été les conséquences
de cet accident ? " le jeune a enfin parlé de l'autre homme, le président
a émis un " enfin, on y vient ! " qui en disait long…
La procureur a demandé deux mois avec sursis, une suspension de permis
de 3 mois + un stage + 200 euros d'amende. Le délibéré a été remis
à 5 jours après le procès.
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Le prévenu
suivant n'était pas là, mais il avait prévenu. On avait déjà
remis son procès pour plusieurs raisons : il avait voulu venir en
stop mais personne ne l'avait pris, là il est chez un employeur en
période d'essai depuis 10 jours. Le président hausse un sourcil, et
se demande tout haut si la prochaine fois le client ne sera pas "enceint"
pour justifier de son absence… Je dois être la seule à sourire !
L'individu a une nuit, perdu le contrôle de son véhicule
et détruit la voiture garée d'une dame. Il n'a pas laissé ses coordonnées
par peur des " représailles ". Je crois que le monsieur confond "
représailles " avec " conséquences judiciaires ". Mais une fois qu'on
l'a retrouvé il n'a pas nié. Par contre il avait déjà été condamné
pour récidive de conduite en état alcoolique (ce qui prouve que ce
n'était pas la première fois) en 2001 et conduite malgré la suspension
de permis en 2005.
Mais là il a trouvé un travail et malgré de bas revenus (il ne touchait
que le RSA), il a remboursé la plaignante de la somme de 648€, différence
entre ce que lui a versé son assurance et le prix du nouveau véhicule,
exactement le même qu'avant.
La procureur demande une peine de 4 mois ferme + un an sans solliciter
la demande de passer le permis de conduire + 300€ d'amende. Je n'ai
pas noté, mais il me semble que le président a demandé beaucoup moins,
puisque l'accusé semblait en voie de réinsertion, vu son embauche,
et fait la preuve de sa bonne volonté en ayant remboursé la victime.
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Le suivant
serait à catégoriser " pauvre type "… Pas d'enfant, pas de famille,
plus de boulot… Suite à un apéro chez des amis, il croise un contrôle
de gendarmerie, et s'enfuit. Il percute alors un panneau, et les gendarmes
le suivent à la trace du radiateur qui coule. Chez lui il ouvre tout
habillé, dit qu'il dormait, et que c'était quelqu'un d'autre qui conduisait
sa voiture…
"Pourquoi avez-vous menti ?" demande le président. "Par
stupidité" répond-il.
"Vous aviez beaucoup bu ?" "Oui." Et là il débite
que c'est pas bon pour la santé de boire, qu'il sait qu'il se fait
du mal.
Le président lui assène " mais je m'en fous ! Non : le tribunal n'en
a cure !! Vous pouvez vous détruire autant que vous voulez, chacun
est libre de choisir sa mort "
" oui, je mets la société en danger "
Ce gars nous raconte qu'il travaillait dans la grande distribution,
mais suite à des problèmes avec un chef de rayon, il est parti. Il
a alors travaillé comme ferronnier et ça lui plaisait beaucoup, mais
il n'avait pas le diplôme, alors depuis 10 mois il est au chômage.
Depuis un mois il est suivi en hôpital psychiatrique pour son problème
d'alcool. Il écope d'un an de prison, " dont 9 mois avec sursis et
mise à l'épreuve, interdiction de repasser le permis pendant 2 ans
et 200€, non 100 € d'amende avec ristourne de 20% si vous payez sous
un mois. "
J'adore ce président, il fait même des ristournes en période de solde
!
Plus sérieusement, c'est pas la peine d'enfoncer encore plus des gens
qui sont déjà bien bas…
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Le suivant
est encore plus bas que " pauvre type " , disons que là nous en sommes
à " épave "…
Il est né en 1955, mais semble avoir 70 ans. Il a travaillé dans la
même boite depuis 32 ans, mais celle-ci a fermé. Il a été arrêté en
mai, conduite en état d'ivresse, et prend un traitement pour son problème
depuis 11 jours. Il est divorcé, ne voit plus sa fille de 29 ans,
et vivait auprès de sa sœur qui est morte récemment. Il a été arrêté
avec 2,16gr pour avoir forcé un barrage : il n'avait pas vu les gendarmes
derrière le camion. Oui il trouve qu'il tenait bien sa droite, d'ailleurs
son passager n'avait rien remarqué d'anormal…
Le président manque de s'étrangler : "il est scandaleux de dire
qu'en prenant deux cachets prescrits par son généraliste on se soigne,
et de dire qu'avec 2,16gr on tenait bien sa droite, j'ai envie de
vous mettre en prison monsieur, je n'ai pas envie que mes enfants
vous croisent sur la route. Vous pouvez boire tout ce que vous voulez,
mais vous ne conduisez pas !!! "
Il écope de 9 mois fermes, dont 3 mois avec sursis pendant 18 mois,
une obligation de se soigner et de travailler, pas de confiscation
du véhicule (élément de socialisation dans notre département).
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Le dernier
est amené par la police. Police qui se plaint d'avoir plusieurs affaires
de cambriolages sur les bras, et est obligée d'attendre là le bon
vouloir de la justice. Le type est un colosse noir, né à Kinshasa
(République Démocratique du Congo, anciennement Zaïre).
Dans son pays il faisait partie de la garde rapprochée de Mobutu.
Il a été déjà épinglé pour 6 conduites sans permis, sur 10 condamnations
(le reste ce sont des vols de dvd). La procureur explique qu'il a
bien un permis, mais celui-ci, passé en Afrique, n'est pas valable.
On sait que dans certains pays d'Afrique les conditions d'attribution
sont quelque peu nébuleuses.
Ce maçon, qui a 4 enfants et une épouse handicapée est porteur d'un
droit d'asile. Mais pas d'un permis de conduire. Donc chaque fois
qu'il se fait arrêter, il produit son permis non valable en France,
et ça recommence. Ça recommence si bien que là ça fait 2 mois qu'il
est en prison, et que du coup il ne touche plus son salaire. Son avocate
dit qu'à son âge c'est difficile pour lui de passer le permis. Le
président sourit, il doit avoir le même âge, et ne voit pas le problème.
Il le condamne à des travaux d'intérêt général, 140h à effectuer,
ou 6 mois fermes de plus. Et qu'il ne conduise plus sans permis !!!
Le policiers ont les yeux au plafond, ils doivent déjà
penser au moment où ils vont le recoincer en train de conduire...
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La séance
n'était pas finie, loin de là, mais mon acompagnatrice en avait un
peu assez de ce défilé de misères...